L’enseignement bilingue, son organisation à l’école publique ou son impact sur la scolarité des enfants : autant de questions que se posent de nombreux parents. Voici quelques réponses à des questions concrètes que vous vous posez peut-être, élaborées avec l’aide de plusieurs linguistes et enseignants spécialistes de la question.
Pourquoi mon enfant a-t-il intérêt à entrer en maternelle bilingue basque-français dès son plus jeune âge ?
Les linguistes, s’appuyant sur les neurosciences, préconisent l’apprentissage bilingue précoce et démontrent qu’il favorise l’acquisition d’autres langues. A cette période, l’enfant a toutes les conditions requises pour acquérir une deuxième langue. C’est l’âge du langage, lequel se construit tout aussi aisément avec une seule langue qu’avec deux. Entre 0 et 4 ans, l’enfant dispose d’une capacité neuronale maximale. Celle-ci persiste jusqu’à l’âge de 7 ans. Tous les apprentissages ultérieurs transiteront par l’équipement neuronal déjà existant et construit durant la petite enfance.
Très jeune, l’enfant va donc construire des apprentissages langagiers et linguistiques simultanément en français et en basque sans appréhension et sans a priori pour comprendre et s’exprimer dans deux langues, quelle que soit sa (ou ses) langue(s) maternelle(s). Son « oreille » est amenée à ne pas s’habituer uniquement à une seule langue. Ainsi, son écoute se diversifie.
Avec le bilinguisme, la langue française va-t-elle se développer normalement ?
Nombreuses études à l’appui, il a été prouvé que l’enseignement bilingue ne perturbait pas le développement de la langue 1 (ici la langue française pour beaucoup de familles, au Canada, en Pologne, au Luxembourg, au val d’Aoste, en Suisse (Grisons, Valais, ville de Biel-Bienne, etc.). Les élèves issus des filières bilingues qui poursuivent leurs études universitaires en langue 1 uniquement ne sont pas à la traîne. Au contraire, le bilinguisme exerce un effet stimulant dans le développement de la première langue, maternelle. Le bilinguisme stimule donc l’apprentissage du français.
Pourquoi opter pour un enseignement français-basque plutôt que de l’anglais ?
L’anglais ne s’impose comme langue précoce que si l’enfant a au moins un parent anglophone. Dans tous les autres cas, un enfant de moins de 7 ans vivant en France n’a pas l’anglais dans son environnement quotidien. Or, apprendre une langue précoce exige un environnement favorable : il en est ainsi d’une langue de l’immigration, une langue de proximité et le plus souvent, une langue régionale. Les langues régionales ont des locuteurs, des chants, des contes, des pratiques culturelles sur lesquelles l’acquisition d’une langue précoce peut et doit s’appuyer pour cultiver le bi et le plurilinguisme.
Le basque est une langue « normalisée », l’apprendre et le parler au Pays Basque est logique. De fait, utiliser le basque comme langue d’enseignement à côté du français n’a que des avantages. Les évaluations académiques dans cette région le démontrent depuis des décennies.
Les linguistes soulignent un autre atout de la langue basque, le fait qu’elle soit typologiquement éloignée de la majorité des langues parlées en Europe. Or, les bénéfices amenés par une langue fortement distante semblent converger dans le sens d’un renforcement du travail cognitif et de l’activité métalinguistique, propices au développement du bilinguisme et du plurilinguisme.
Le modèle d’enseignement bilingue est-il réservé à une élite ?
Les régions ayant institutionnalisé l’enseignement bilingue en Europe montrent que les filières bilingues sont accessibles à tous. Les élèves taxés de « moins scolaires » en profitent tout autant, et n’obtiennent en aucun cas de moins bons résultats scolaires qu’ailleurs.
Quels sont les bénéfices de l’enseignement bilingue ?
Apprendre à l’école en basque et en français permet d’acquérir des connaissances et des compétences fixées par les programmes d’enseignement et conduit aussi à l’apprentissage de la langue basque (régi par des programmes officiels depuis 2007). Ce double apprentissage implique une stimulation intellectuelle intense et un développement des capacités d’adaptation, de mémorisation et de compréhension des fonctionnements de chaque langue, française et basque, l’enfant procédant par comparaison et analogie, le conduisant à maîtriser très rapidement des concepts abstraits, notamment en grammaire. Globalement, l’enseignement bilingue favorise la conceptualisation, la symbolisation, la logique, la souplesse intellectuelle et la capacité à résoudre des problèmes.
Les bénéfices de l’enseignement bilingue sont aussi bien linguistiques (acquisition de compétences langagières, éducation linguistique transférable à d’autres langues), cognitifs (alerte intellectuelle améliorant les compétences d’apprentissage) que culturels (ouverture à d’autres manières de voir et de penser le monde).
Quel est l’intérêt
de continuer l’enseignement bilingue dans le secondaire ?
Après un enseignement bilingue en primaire, il est judicieux d’assurer la continuité bilingue en français et basque, au collège et au lycée. Les langues s’affinent alors, se structurent, la flexibilité cognitive s’aiguise, les traits culturels s’approfondissent autour de chaque langue. L’articulation des deux langues et cultures profile des identités singulières nécessaires dans un futur de plus en plus mondialisé.
Quel est l’intérêt d’opter pour un enseignement bilingue dès la crèche et en maternelle ? A cette période, l’enfant a toutes les conditions requises pour acquérir une deuxième langue. C’est l’âge du langage, lequel se construit tout aussi aisément avec une seule langue ou deux.
Est-ce que le bilinguisme basque français ne se fait pas au détriment du français ?
Non, c’est exactement le contraire qui se passe, la maîtrise du français est meilleure. De nombreuses études ont ainsi prouvé que l’enseignement bilingue ne perturbait pas le développement de la langue initiale. La seconde langue, quand elle est amorcée vers 2, 3 ou 4 ans, ne s’acquiert pas en concurrence avec le français, mais comme une seconde langue « maternelle ».
Les élèves issus des filières bilingues qui poursuivent leurs études universitaires en langue initiale ne sont donc pas à la traine. Au contraire, le bilinguisme exerce un effet stimulant dans le développement de la première langue maternelle. Le bilinguisme stimule donc l’apprentissage du français.
Comment des parents non-bascophones peuvent aider leur enfant dans l’apprentissage du basque ?
Même si la transmission familiale est la plus propice au départ, l'éducation bilingue basque-français en crèche et en maternelle est toujours efficace, grâce à la fois à la précocité de l'âge, mais aussi à l'environnement favorable qui propose toutes sortes d'activités en langue basque comme en français. Lorsque les parents ne peuvent assurer un suivi en basque, car non-bascophones, ils peuvent aider et encourager leur enfant par la claire affirmation de leur désir parental d'une éducation bilingue, ainsi qu'en prenant le rôle d'élèves apprenant le basque auprès de leur enfant qui en sait très vite davantage qu'eux. Ou tout au moins en montrant leur intérêt pour la langue basque apprise par leur enfant.
Nous ne parlons pas le basque, comment mon enfant de 4 ans qui démarre son apprentissage en basque, acceptera-t-il de n’entendre que du basque plusieurs heures tous les jours ?
Il est vrai que cela peut paraître très contraignant et frustrant pour l’enfant de ne pas pouvoir communiquer verbalement avec l’enseignant(e) qui s’exprime toujours en basque quotidiennement. En fait, l’essentiel pour l’enfant, est que la communication avec l’adulte ne soit pas interrompue, et ce qu’il ne faut pas perdre de vue est que la communication verbale n’est qu’une partie de la communication, qui s’établit entre le maître et l’enfant. Les intonations de voix, les gestes, les mimiques du visage, les attitudes, le regard, le dessin qui accompagnent le langage sont autant de moyens d’établir des relations avec l’enfant au début de l’apprentissage. Progressivement, le langage seul viendra se substituer à eux et deviendra le moyen de communication privilégié. Il est d’ailleurs rare de constater que l’enfant ressente les moments d’activités en basque comme une rupture de relations avec l’enseignant(e).
Mon enfant commence sa troisième année d’apprentissage en basque
et il refuse de parler avec ses grands- parents ou celles et ceux qui s’adressent à lui en basque.
C’est une attitude qui me paraît tout à fait compréhensible. L’enfant utilise le langage non pour montrer ce qu’il sait faire ou comment il sait parler mais pour établir une relation, pour dire quelque chose qui lui paraît importante, qui lui tient à cœur ou pour donner une information. Si la langue habituellement utilisée entre lui et les personnes de son entourage est le français, pour quelles raisons doit-il soudain s’exprimer dans une langue qu’il ne maîtrise pas encore convenablement ?
D’autre part, aucun de nous n’aime se sentir jugé ou tout au moins évalué et l’enfant moins que tout autre : il est donc normal qu’il rejette une situation qu’il ressent souvent comme une intention d’évaluation de la part de l’adulte. Ce rejet est exceptionnel en classe pendant les heures d’apprentissage en basque car le contexte est totalement différent : il est avec des enfants qui sont dans la même situation que lui, avec un adulte qui ne s’exprime qu’en basque ; l’utilisation du basque est devenue pour lui non seulement une chose normale mais aussi une nécessité inhérente à l’activité scolaire du moment.
On dit parfois que la connaissance du basque peut aider l’enfant en français. Pourriez-vous expliquer de quelle façon ?
L’enfant bilingue peut en effet s’aider de ses connaissances de la langue basque pour se fixer des points de repères supplémentaires lui permettant de surmonter plus facilement certaines difficultés de l’orthographe et de la grammaire françaises, des mathématiques.
Est-ce que mon enfant sera capable de parler basque à la fin de l’école primaire ?
L’apprentissage du basque à l’école n’est pas seulement celui d’une langue mais celui d’apprentissages en langue. Ainsi, il est complétement différent de celui que nous avons connu en langues étrangères, qui était un apprentissage de la langue après la « maîtrise du français », dans une vision monolingue (c’est-à-dire une langue s’apprend après l’autre). L’objectif à la fin du CM2 est le niveau A2, qui est un niveau qui correspond à des exigences et un cadre européen.
Ainsi, l’apprentissage du basque et en basque à l’école primaire est à considérer dans une vision plus globale du développement des langues : une vision plurilingue. Ainsi, de même qu’on n’a pas terminé d’apprendre à lire en CM2 ou de compter, l’enfant n’a pas terminé son apprentissage de la langue : il faut continuer pour que la langue s’enrichisse, se structure et qu’elle continue ainsi à enrichir et à structurer le français.
Les apprentissages du basque et en basque nourrissent celui du français et en français, puis plus tard, ceux des langues vivantes étrangères : c’est en cela qu’on parle de vision plurilingue.
Je ne suis pas bascophone,
comment puis-je m’assurer de la compréhension des leçons de mon enfant ?
Les leçons de sciences sont souvent sous forme de schéma : ainsi, il s’agit d’apprendre du lexique, sous la forme d’un mot ou d’une expression hiztegi berria ikasi, comme en Histoire géographie.
Même si vous ne pouvez vous assurer de la prononciation de votre enfant que de façon approximative, vous pouvez passer par la mémorisation écrite qui peut aussi lui permettre de fixer le mot et vous de vous rassurer de sa connaissance.
L’apprentissage des tables d’addition ou de multiplication, dont la consigne en basque est biderketa taulak ikasi peut se faire dans les deux langues. L’essentiel est l’ap- prentissage des mathématiques, le transfert d’une langue à l’autre se faisant automatiquement pendant le cours en basque.
S’assurer de la compréhension d’une leçon en basque, peut tout simplement passer par la reformulation en français à la maison, de ce que votre enfant a compris. Ainsi il vous est possible de savoir avec précision où en est votre enfant.
Enfin, l’apprentissage du basque et en basque par votre enfant lui donne une expertise sur quelque chose que vous ne maîtrisez pas. Et si cela peut vous déstabiliser, il est bon pour l’enfant d’avoir des choses à apprendre à ses parents ou de les corriger dans leur prononciation.
Mon enfant a des devoirs en basque, est-ce normal ?
Le basque est une langue de l’école et à ce titre il est normal que les devoirs soient écrits en basque, et que l’élève relise ses leçons. Cette pratique donne un statut à la langue de scolarisation, et valorise le travail effectué par l’élève avec les enseignant(e)s depuis son inscription dans un cursus bilingue.
En effet, par devoir est entendu l’apprentissage des leçons, des tables d’additions et de multiplications, et de la lecture ou souvent relecture.
Un élève a besoin de lire tous les jours, et cela dans les deux langues : l’apprentissage de la lecture ne se termine pas une fois que l’élève sait déchiffrer. Il doit acquérir des habitudes de lecteur dans les deux langues. La première habitude
de lecteur est celle de lire ses devoirs dans son cahier de texte de façon autonome. C’est pourquoi les enseignants utilisent des formules récurrentes et simples comme Behin eta berriz irakurri euskarako eta matematikako tresna kaierak (lire et relire les leçons sur les cahiers d’outils de basque et de maths).
Par contre si votre enfant n’a pas compris sa leçon, faites le savoir à l’enseignant(e), qui pourra remédier à cette incompréhension : c’est la même attitude en français et en basque, celle d’un parent s’assurant du suivi de son enfant.
Quelles évaluations ont été faites ?
Dans les domaines du français et des mathématiques, les résultats obtenus aux évaluations nationales par les élèves de l’enseignement bilingue – en CE2 et 6e avant 2008, en CE1 et CM2 aujourd’hui – sont largement supérieurs à la moyenne nationale. Cela démontre que l’enseignement bilingue n’altère pas les apprentissages et l’acquisition des connaissances et compétences définies par les programmes nationaux. Bien au contraire.
Par ailleurs, les résultats sont tout autant satisfaisants au Brevet des Collèges où, pour la 4e année consécutive, tous les élèves ont choisi de composer en basque l’épreuve d’Histoire/Géographie.
(Source : Éducation Nationale)